Aïcha A. veut régaler sa petite famille avec un bon petit plat de spaghettis à la bolognaise. Sauf que lesachet de spaghettis acheté chez l’épicier du coin, lui réservait une surprise : il contenait outre les pâtes de drôles d’insectes ! Estampillé du nom d’une marque fabriquée…
à Kénitra et portant une date de péremption fort lointaine, le sachet était pourtant bien fermé. Ce qui témoigne du manque de contrôle et d’hygiène chez le fabricant, spécialisé dans la fabrication du couscous et autres pâtes alimentaires, et du laisser-aller des services chargés du contrôle de la qualité, des prix et de l’hygiène des produits de consommation.
Le hic, c’est que ce n’est pas la première «mésaventure» du genre à être vécue par les consommateurs tafraoutis.
Il n’y a pas longtemps, un habitant de la ville a eu la malchance d’acheter un pot de confiture contenant, cette fois-ci, des fourmis. Ce qui montre la défaillance flagrante des préposés au contrôle de l’hygiène censés intervenir pour retirer des étals et rayons des commerces tout aliment suspect. Même si du côté de ce service à Tafraout, on se targue des « nombreuses campagnes de contrôle d’hygiène et de répression des fraudes menées de manière inopinée au long de l’année», ces actions s’avèrent malheureusement inefficaces.
Le nombre de procès verbaux dressés à l’encontre des contrevenants est insuffisant pour pouvoir renverser la vapeur et rétablir l’ordre, ne ciblant à chaque fois que quelques commerces.
L’insouciance devant l’impropriété de certains lieux de restauration collective saute au yeux. Il suffit de faire un tour du côté des gargotes et laiteries de la ville pour s’en rendre compte. Cuisines crasseuses et fétides, tables bancales, ustensiles noirs de fumée…etc, la propreté semble être le dernier souci des tenanciers des commerces. Certains bains publics sont impénétrables en raison des odeurs nauséabondes qui y règnent. Leurs carrelages sont sales, des nuées de blattes et autres cancrelats squattent les lieux en l’absence d’actions de décrassage et de désinfection régulières.
Certaines boulangeries ne sont pas mieux loties. Les poussières et toiles d’araignées côtoient les employés des entrepôts et autres lieux de stockage du pain laissés à la portée des rats, cafards et autres bestioles et insectes. Certaines viennoiseries à la qualité douteuse exhalent des odeurs d’œufs pourris et de margarines rances.
Chez les bouchers, les conditions d’hygiène laissent également à désirer. La viande est exposée sur des étals sans protection avant de la remettre le soir dans des frigos peu conformes aux normes imposables en matière de chaînes de froid. Pis, en l’absence de véhicules spécialisés de transport de viande, les vendeurs transportent leurs marchandises sur des motos et autres moyens de fortune. La santé des consommateurs est ainsi gravement mise en jeu par cet état de fait découlant du laxisme et de la passivité des pouvoirs publics.
Au moment où la ville s’apprête à accueillir des milliers d’hôtes à l’occasion de son festival d’été, il serait temps qu’ils réagissent.
IDRISS OUCHAGOUR /JOURNAL LIBERATION.
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Dr Sanaa Benlarabi, responsable au service de toxicovigilance du Centre antipoison de Rabat : “L’ingestion d’aliments avariés est très dangereuse pour la santé”
Libé: Des insectes ont été trouvés par un habitant de Tafraout dans un sachet de spaghettis. Comment réagissez-vous à cela ?
Dr Sanaa Benlarabi: D’abord je voudrais souligner que c’est vraiment lamentable de se retrouver avec un problème pareil. Des insectes dans l’emballage d’un produit alimentaire, c’est grave. Et il l’est d’autant plus que cela est arrivé chez un marchand du coin. Et pas chez des vendeurs ambulants ou de produits de contrebande, connus pour écouler des aliments à la qualité douteuse. On comprend souvent que dans les villes, des anomalies pareilles peuvent échapper aux contrôles des services d’hygiène, vu le grand de nombre de commerces à inspecter et l’effectif réduit des agents contrôleurs. Mais que cela survient dans un petit patelin de la province de Tiznit comme Tafraout, c’est inacceptable. L’absence d’hygiène et l’irrespect des conditions adéquates de conservation en sont les raisons principales. Ou bien en amont, c’est-à-dire à l’usine au moment de la fabrication ou pendant le stockage chez le marchant ou l’épicier. La chaleur ou l’humidité sont deux facteurs susceptibles de provoquer l’avarie des aliments en détériorant les emballages. Donc, un stockage qui ne répond pas aux conditions de conservation de rigueur dont notamment les normes d’hygiène, est responsable de l’apparition de tels phénomènes. Et là, c’est le travail des services de contrôle d’hygiène qui doivent intervenir, car il n’y a pas de doute que s’ils avaient accompli correctement leurs devoirs d’inspection, ces produits avariés ne seraient jamais arrivés entre les mains des consommateurs. Ils seraient confisqués et détruits. Le commerçant serait aussi pénalisé, et il aurait pu s’autocontrôler et faire attention à ce que des aliments suspects ne soient plus jamais présents sur ses étagères.
Voulez-vous nous parlez des infections pouvant apparaître chez le consommateur suite à l’ingestion d’aliments avariés comme ces pâtes truffées d’insectes et que faire ?
C’est tout à fait probable qu’on soit fortement exposé après l’ingestion de ces aliments, à des problèmes microbiens qui apparaîtront dans les heures ou les jours qui suivent leur consommation. Ils se manifesteront par des indices symptomatiques d’une infection, comme la diarrhée, la fièvre, les vomissements ou des douleurs abdominales. On craint beaucoup dans ces cas-là pour les enfants, les personnes âgées et les personnes atteintes de maladies chroniques aux systèmes immunitaires faibles et vulnérables. Dans 90% des cas de contamination, cela nécessite un traitement thérapeutique suite à l’avis du médecin. Je veux souligner que dans les infections des aliments, il se peut qu’il s’agisse de champignons ou de moisissures. Alors là, je dois attirer l’attention qu’en cas de consommation, on est en proie à des maladies chroniques qui peuvent développer des cancers de foie. Et cela dans 10 à 15 ans. Et on ne sera jamais en mesure de dire que ce sont des aliments avariés qui en sont à l’origine. Donc ces deux aspects d’avaries des produits consommables, ne produisent pas une toxicité aiguë tout de suite, mais agissent sur la santé à long terme. Ce qui est très dangereux. Quant à ce qu’il faut faire en cas d’infection du genre, on demande d’abord de ne pas arrêter le vomissement ou la diarrhée, car ce sont des mécanismes biologiques d’élimination du toxique. Et surtout on conseille de boire beaucoup et de prendre des antidouleurs. Je tiens à rappeler que le Centre antipoison de Rabat assure un service de dispense d’information et d’orientation médicales dont notamment la conduite à tenir pour les citoyens en cas d’infection alimentaire. Et ce, grâce à une permanence téléphonique médicalisée. Autrement dit, les gens disposent des services d’un médecin au bout du fil, 24h/24, 7 jours/7.
Prévenir vaut mieux que guérir; quelles sont les précautions à prendre pour éviter aux consommateurs de telles infections ?
Vous avez raison. D’abord le premier reflexe que doit avoir le consommateur est qu’avant l’achat de tout produit, il faut commencer par la vérification de la date de péremption. Ensuite, examiner la qualité de l’emballage. Il ne faut pas qu’il présente des trous ou soit rouillé ou gonflé quand il s’agit de boîte de conserves ou autres produits laitiers. Par ailleurs, le consommateur doit s’interdire catégoriquement de s’acheter des produits de contrebande et chez les marchants ambulants qui ne sont jamais contrôlés.
ENTRETIEN REALISE PAR I.OUCHAGOUR
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Madih Wadi, président de l’Association “Uniconso-Casablanca” : “Le consommateur doit oser exercer ses droits”
«La première des choses que doit faire en principe l’acheteur d’un produit impropre à la consommation est de demander un ticket d’achat au commerçant vendeur de l’aliment incriminé. C’est le justificatif qui atteste de l’existence d’une relation commerciale entre les deux parties en question. Et c’est le préalable obligatoire à toute action judiciaire ou tout simplement de réclamation. Si le commerçant rechigne à le lui donner, ce qui est très courant, l’acheteur doit revenir avec un témoin pour confirmer auprès du vendeur la véracité de la transaction. A ce moment, il doit faire une réclamation auprès des services d’hygiène et de la répression des fraudes. Malheureusement, cette culture de défense des droits des consommateurs n’est pas ancrée dans notre société. Beaucoup de consommateurs lésés préfèrent ne pas réagir à travers ces recours. Ce qui n’est pas sans faire jouir les commerçants de produits avariés d’une certaine impunité qui les pousse à la récidive sans coup férir. Nous sollicitons les gens à oser exercer leur droit de réclamer auprès des services concernés, en cas d’achat d’aliments gâtés, car il y va de leur santé. Nous, les associations consuméristes, nous sommes à la disposition des citoyens victimes pour prendre en charge leurs plaintes. Nous militons vivement pour répandre cette culture parmi les citoyens à travers des campagnes de sensibilisation via la presse, les programmes radio, séminaires, etc. Et notamment auprès des écoliers, parmi lesquels, il s’est avéré que les avertis influencent bien désormais les modes d’achat de leurs parents en renforçant leur vigilance lors des choix des produits à acquérir. Nous menons aussi des études pour nous enquérir des indices d’amélioration des comportements des consommateurs vis-à-vis des produits alimentaires. Mais, malheureusement, beaucoup de choses restent à faire en la matière. Les anciennes habitudes ont la peau dure. Les gens ne vérifient pas systématiquement les dates de péremption lorsqu’ils effectuent leurs achats, ni à la qualité des emballages. Mieux, la propreté et le respect de l’hygiène par les marchands n’influent pas sur la décision d’achat. Et c’est bien dommage ! ».
Bilan toxicologique du deuxième
trimestre 2010 du CAP
-15,21% de l’ensemble des intoxications toutes origines confondues, au Maroc, sont d’origine alimentaire;
-Parmi les 7186 personnes victimes des intoxications, 1039 sont intoxiquées suite à l’ingestion de produits alimentaires avariés;
-Les adultes et les enfants sont touchés de la même façon :46% chacun;
-65,7% des intoxications alimentaires sont survenues en milieu urbain;
-54% de cas à domicile, 42% dans un lieu public, 4% dans le lieu de travail.
PROPOS RECUEILLIS PAR IDRISS OUCHAGOUR .JOURNAL LIBERATION